Jeu de rôle, 1992
Editeur : Silmarils
Développeur : Silmarils
L’aventure d’Ishar prend place après les évènements décrits dans Crystals of Arborea, qui est un autre jeu de Silmarils. Alors que Jarel, Prince des Elfes a défait Morgoth avec l’aide de ses six compagnons, il devient le seigneur de la contrée d’Arborea, rebaptisée Kendoria. Après un règne prospère, Jarel meurt et ses successeurs s’entre-déchirent, glissant le pays dans l’anarchie, attirant de nouvelles créatures et autres aventuriers. L’un d’entre eux est Krogh, fils de Morgoth et de la sorcière Morgula qui s’installe sur le trône du temple maléfique d’Ishar situé aux confins du royaume. Krogh se montre aussi malfaisant que l’était Morgoth… Azalhgorm, celui qui vous conte ce récit, vous invite à mettre fin à cette nouvelle menace. Votre mission est de battre Krogh et d’accéder au pouvoir d’Ishar afin de régner à votre tour sur le royaume. Vous trouverez les anciens compagnons de Jarel sur votre route et ils vous apporteront leur aide. Vous voilà dans la peau d’Aramir, seul dans Kendoria.
Le jeu se déroule sur une grande île divisée en provinces. L’un des aspects remarquables d’Ishar est qu’il se déroule en très grande partie en extérieur, entre prairies et forêts. On trouve quelques villages, deux cités et deux donjons de surface assez modeste… Les villages et villes permettent d’acheter des objets dans des boutiques (impossible d’en vendre par contre), de suivre des stages pour améliorer ses caractéristiques ou apprendre des sorts, de rencontrer des personnages qui donnent des informations et de se reposer dans des auberges (qui proposent aussi souvent des personnages à recruter). On trouve même des psychologues qui informent le joueur sur la bonne ou mauvaise entente de son équipe.
Ishar propose un système de races, classes et alignements assez proches de ADD, mais qui combine des caractéristiques de base comme la force ou l’agilité avec des compétences précises comme les armes à une main ou deux mains, de lancer... La psychologie joue par ailleurs un rôle non négligeable dans la gestion de votre équipe : les alignements ne sont pas visibles mais chaque personnage vote pour l’enrôlement ou l’exclusion d’un nouveau membre, et le choix se fait à la majorité. Certaines classes (assassin) et certaines races (hommes lézards) sont assez peu populaires. Il est aussi possible d’assassiner l’un des personnages de son équipe, mais il peut y avoir des représailles non controlées selon les affinités des membres de votre équipe et un regrettable enchaînement de meurtres…
Ishar est un très beau jeu qui n’a rien à envier à ses contemporains au niveau graphique, mais il souffre de certains défauts. L’ergonomie pose tout d’abord quelques problèmes, puisque le bouton d’attaque est disposé en haut de chaque icône de personnage. Il est donc assez peu confortable d’aller et venir entre ces petits boutons, surtout si votre deuxième guerrier est placé à l’autre extrémité de l’écran (il est impossible de déplacer l’ordre des personnages, qui se fait dans la chronologie de leur enrôlement). Le joueur doit donc si possible loger ses guerriers dans des cases adjacentes… La mort des personnages est elle gérée de façon brutale. Il existe bien un sort de résurrection mais si un personnage meurt le fait de se déplacer d’une case le fait disparaître irrémédiablement avec son équipement. Un autre problème relevé par certains joueurs repose sur le système de sauvegardes, qui est développé ci-dessous.
L’argent joue un rôle très important dans Ishar : il sert à acheter de l’équipement bien sûr, mais aussi des sorts, des améliorations de caractéristiques et surtout il permet de payer les sauvegardes. Ce système au final plutôt décrié rajoute un aspect dramatique dans le jeu, car il impose de gérer au mieux ses sauvegardes et va à l’encontre d’une sécurisation excessive du jeu qui va souvent de pair avec la pratique des jeux de rôles informatiques (sauvegarde derrière chaque porte pour caricaturer). L’idée, intéressante imposait donc un équilibre entre économie et exigence de sécurité mais ne semble pas avoir eu beaucoup de succès, sans compter qu’elle avait ses limites (vers la fin du jeu il est possible de gagner suffisamment d’argent pour que la dépense de sauvegarde soit négligeable).
Les autres ressources à gérer (en plus des classiques points de vie) sont les niveaux d’énergie psychique et physique. L’énergie psychique se dépense lorsqu’on lance des sorts et se récupère par le sommeil (uniquement dans des auberges) et par des potions. L’énergie physique se dépense par le déplacement, le combat surtout et se récupère par la nourriture (emportée ou dans les auberges), le sommeil et les potions. La gestion de l’énergie est un point très important du jeu car sans énergie les personnages ne peuvent plus combattre et perdent des points de vie. Il faut donc être prévoyant en matière de provisions et de ravitaillement.
Ishar est une grande réussite malgré ses quelques défauts. Le fait que le jeu se déroule en extérieur, dans une atmosphère fraîche et campagnarde (avec des bruitages adaptés) ne fait que rehausser l’aspect angoissant des donjons (avec des sons inquiétants qui sont indépendants de la présence de monstres). Les personnages à enrôler sont variés et mystérieux du fait des alignements cachés. Le scénario autorise une certaine liberté dans l’ordre des quêtes (avec peu de « verrous ») et il est possible de circuler librement d’emblée dans une grande partie de l’espace du jeu. En fin de compte Ishar est un jeu original par plusieurs aspects (cadre, personnalité des personnages), où la gestion de la fatigue et du ravitaillement (en nourriture et en argent) est aussi importante que la résolution des énigmes. Au rayon des déficiences on notera un léger problème d’ergonomie et surtout une fin notablement bâclée qui laisse supposer un probable manque de temps dans la fin de la conception du jeu. Le bilan est quand même très largement positif et l'oeuvre de Silmarils fait partie des jeux majeurs du genre.